L'Être et le Paraître: quoi choisir?

Non, ce n'est pas une chronique de rénovation. 
Quand on regarde autour de nous, on constate rapidement que les gens aiment bien paraitre. On publie nos meilleures photos avec le meilleur angle. On choisit des vêtements qui cachent le mieux possible notre bedaine. On facebook au plus grand nombre de gens possible nos moments les plus glorieux. C'est à croire que tout le monde est heureux et sans défaut.

C'est encore plus vrai dans la séduction. Les séducteurs les plus efficaces sont ceux qui arrivent à se mettre le mieux en valeur. Tels de grands vendeurs de chars, ils s'exhibent sous leur meilleur jour en cachant habilement leurs vices cachés. 

En réaction à tout ça, il pourrait être tentant de vouloir opter pour une méthode plus honnête. Par principe, essayer d'offrir une version plus réelle de soi-même au lieu d'une version chromée impossible à maintenir. Après tout, éventuellement, forcément, on ne peut que redescendre et décevoir. Il vaut mieux déballer son sac dès le départ. Ça sonne comme un bon plan, non?

Non. Ooooooh non. Ça PEUT fonctionner, mais neuf fois sur dix, c'est une erreur. Vous connaissez l'expression «choisir ses combats»? C'est un de ces combats qui n'en vaut pas la peine. La plupart du temps, vouloir montrer le «vrai soi» finit surtout par montrer l'angoissé bizarre aux mille complexes. Laissez don' à l'autre la tâche de vous découvrir à sa façon, c'est son travail. 

Une des façons de comprendre comment gérer ça, c'est avec l'exemple du patio. Visualisez.
Imaginez l'été. Il fait beau soleil. Vous marchez tranquillement sur le trottoir. Il y a un petit vent doux, la chaleur apaisante, quand tout à coup... la personne de vos rêves, bien étendue dans sa chaise longue, vous envoie la main. 

Est-ce que c'est le temps de lui crier «Bébé, je dois te dire tout de suite, je reste chez ma mère!» Non. Même si c'est temporaire, même si ce n'est que dans le sous-sol ou que vos possédez votre propre clé, il n'y aucune bonne raison de parler de ça maintenant et tout saboter.  C'est le temps de prendre ça relaxe et de lui envoyer la main à votre tour. Si c'est répondu d'un sourire, vous pouvez même vous approcher en espérant pouvoir vous assoir. 

Une fois sur le patio, vous pouvez vous permettre de jaser de trucs légers. Vous n'avez pas à préciser que la nervosité vous fait transpirer vraiment beaucoup. Ça peut être une discussion de météo si vous n'avez vraiment aucune autre idée, tant que vous ne parlez pas de vos quatre chats à la maison.

Vous pouvez aussi être discret sur votre tatouage dans le bas de votre dos. Vous n'en êtes pas rendu là encore. Une fois invité à souper à l'intérieur, là, vous pourrez commencer à vous ouvrir tranquillement et parler de trucs plus personnels, plus sérieux. En fait, plus l'attachement se développera, plus il sera permis de s'ouvrir..

Évidemment, tout ça n'est qu'une métaphore. Ça ne se passera pas forcément en quelques minutes. L'idée est simplement de ne pas s'autodisqualifier dès le départ. Ça va arriver, il suffit d'attendre le moment propice selon nos conventions sociales. 

C'est bien noble de vouloir être honnête et authentique, mais il y a des fois où ça ne fonctionne pas. C'est comme rouler 90km/h dans une zone de 90km/h. Ce n'est pas comme ça qu'on se fait aimer. Il faut tricher un peu comme tout le monde.

Lorsqu’on a une entrevue pour un travail, on ne commence pas en jasant de la fois où on s'est fait surprendre les fesses sur la photocopieuse. Non. On essaie de mettre en valeur nos meilleurs coups (idéalement, il faut qu'ils soient vrais). Pour le reste, C'est normal. L'autre s'attend à ça. 

N'importe qui de sensé va accepter cette douce hypocrisie. Tout le monde a un côté moins reluisant. Ce qui pourrait faire peur, c'est de tout balancer ses complexes à quelqu'un qu'on connait à peine. Sans compter que la plupart des gens vont croire que le pire reste à venir.

Une fois que vous serez passé du patio à la chambre à coucher et que vous aurez vécu quelques nuits qui ont du bon sens, là, il sera peut-être temps d'ouvrir votre jeu sur votre manie maladive à vous compliquer la vie. D'ici là, aidez-vous don' un peu, et profitez du beau moment.